Connaître les utilisateurs
La recherche a débuté par une série d’entretiens semi-directifs avec 5 utilisateurs
recrutés sur les réseaux sociaux pour leur représentativité : bricoleurs occasionnels, se qualifiant de débutants
à amateurs éclairés, et se considérant comme insuffisamment outillés. Il s’agissait de les faire s’exprimer sur leurs
pratiques habituelles, leurs attentes quant à une application
susceptible de les aider en matière d’outillage et les difficultés rencontrées dans le passé, afin de pouvoir ainsi ajuster la conception aux besoins réels des utilisateurs.
Les résultats de cette étude, restitués sous forme d’un rapport accompagné de storyboards, personas et scenarios, ont mis
en évidence trois points essentiels :
L’enthousiasme des utilisateurs à l’égard d’un système leur permettant d’emprunter
plus facilement les outils de leur choix : bien que l’emprunt constitue le mode d’équipement privilégié de ces
bricoleurs, loin devant l’achat et la location, tous ont fait état d’achats contraints et regrettés du fait
d’une difficulté à emprunter faute de proches ou de structures en mesure de répondre à leurs besoins.
Des présupposés étrangers aux attentes réelles des usagers :
l’aspect social ou la possibilité de tout faire à distance n’intéressent pas les utilisateurs qui réclament
d’abord un système simple, efficace et non intrusif permettant la gestion des emprunts et des tâches courantes d’administration
de la bricothèque. Pour tous, un tel outil favoriserait le développement de ces structures, et les pousserait à s’y impliquer.
Pour autant, tous ont également fait part de leur souhait de conserver un lien humain, et donc de ne pas
dématérialiser toutes les tâches, ainsi que de ne pas exclure certaines catégories d'usagers en faisant de cet outil un procédé obligatoire.
L’émergence de besoins insoupçonnés : en particulier, tous les utilisateurs
ont fait part de leur préoccupation quant à la qualité, la sécurité et la propreté du matériel emprunté, et donc à
la nécessité de pouvoir signaler des problèmes et d’accéder facilement aux consignes de sécurité, d’usage et de nettoyage
par l’application.
Combler les lacunes du marché
Une analyse concurrentielle, incluant les outils de gestion de bricothèques et autres librairies
d’objets, a ensuite permis de mettre en évidence les bonnes pratiques et les lacunes des services déjà présents sur le marché.
Elle a démontré une offre assez réduite, et incomplète au regard des attentes des utilisateurs. Le catalogue, filtrable et illustré,
en est l'élément crucial, systématiquement présent et par ailleurs réclamé par les usagers lors des entretiens. Or, ce
catalogue est dans la plupart des cas hébergé par une plateforme spécialisée (MyTurn ou ToolLibrarian),
externe au site de la bricothèque, alors que les utilisateurs ont clairement fait mention de leur besoin d’une
gestion centralisée de l'inventaire, de leur compte personnel, et des tâches d’administration de la bricothèque. En outre, ces
catalogues et sites ne sont pas systématiquement responsive et nécessitent l’ouverture d’un navigateur dans l’appareil mobile,
voire l’accès à un ordinateur. En ce sens, ces offres ne répondent pas aux besoins des utilisateurs qui souhaitent bénéficier,
à partir d’une interface autonome, d’une extension « dans la poche » de la bricothèque, permettant d’accéder aux tâches et renseignements les plus
essentiels à toute heure et en tout lieu, « même quand une main est occupée à tenir un outil ».
Premières ébauches
Ces premières étapes de la recherche m’ont permis de tracer la ligne directrice à suivre pour l’élaboration
des premiers wireframes centrés sur les écrans, fonctions et parcours utilisateurs principaux :
un catalogue filtrable et illustré renseignant sur la disponibilité en temps réel du stock de la bricothèque ;
des fiches présentant les spécificités des outils (poids, taille, description, manuel d’utilisation) et permettant leur réservation ;
la possibilité de créer et gérer une liste d’outils favoris ; un historique personnel des emprunts
permettant à l’utilisateur de gérer ses réservations, retours et retards, et enfin, un calendrier de présence des bénévoles.
De ces premiers wireframes, j’ai ensuite tiré un premier prototype papier,
testé par 5 utilisateurs recrutés selon les mêmes conditions que lors des premiers entretiens, et à qui j’ai demandé
de réaliser 5 tâches importantes : trouver et réserver un outil précis ; prolonger un emprunt ;
ajouter un outil à liste des favoris ; passer du mode utilisateur au mode administrateur ; consulter les problèmes
rapportés par les utilisateurs et rendre temporairement indisponible un outil signalé comme cassé.
J’ai ensuite analysé l’ensemble des tests, intégralement filmés, et livré les résultats sous forme d’un rapport mettant
en avant les remarques des utilisateurs, et surtout les principaux problèmes rencontrés par eux, ainsi que les recommandations
essentielles à suivre pour la suite du projet. Avec un score SUS de 86/100, l’usabilité perçue par les utilisateurs
s’est avérée très satisfaisante, notamment grâce à une page d’accueil très appréciée, faisant office de menu central
donnant accès à toutes les sections du mode - utilisateur ou administrateur - dans lequel se trouve alors l’usager.
Toutefois, l’analyse détaillée des tâches réalisées a aussi
mis en évidence des problèmes importants d’usabilité, relatifs essentiellement à la transition entre ces deux modes par
un bouton « switch » peu intuitif et donc mal compris, mais aussi à la difficulté de retrouver la liste
des outils favoris.
Passage au digital
J’ai ensuite réalisé un premier prototype digital, tenant compte des conclusions du test précédent.
La principale modification a consisté en la suppression du double mode utilisateur/administrateur, nécessitant une refonte du
menu central intégrant désormais l’ensemble des liens vers les sections, les liens vers les tâches d’administration étant
simplement grisés pour les utilisateurs sans droits ouverts. De nouveaux écrans et de nouvelles fonctions, jusque là laissées
de côté car secondaires, ou réclamées par les utilisateurs lors de dernier test, ont également été ajoutées,
comme la possibilité de réserver un outil déjà emprunté par un autre usager, ou encore une page de profil, et un service de
messagerie.
Avant d’aller plus loin, j’ai procédé à l’évaluation heuristique de ce nouveau prototype selon les
10 règles établies par Jakob Nielsen, et détecté 46 violations de gravité variable, dont 9 à corriger impérativement.
La plupart portaient sur le manque d’homogénéité de certaines interactions ou de certains messages (confirmations/annulations)
pouvant prêter à confusion, ou encore sur un manque de prévention des erreurs (ex : boutons « logout » et « infos » trop proches;
impossibilité pour un bénévole d'annuler une heure de permanence enregistrée via l'application).
Dernières itérations
Ces 9 violations ont donc été corrigées dans un nouveau prototype, cette fois interactif
(conçu sous atomic.io), que j’ai alors fait testé à 5 nouveaux utilisateurs, toujours recrutés selon les mêmes critères.
À nouveau, les tests ont été intégralement filmés, et il s’agissait cette fois d’accomplir 7 tâches : créer un compte et se
connecter ; signaler un outil cassé ; ajouter un manuel d’utilisation à la base de données ; retrouver un outil précédemment
emprunté et le pré-réserver lorsqu’il est en cours d’emprunt par un autre usager ; configurer une notification ; gérer un ticket
de support utilisateur ; annuler une heure de permanence en tant que bénévole.
De nouveau, le bon score SUS de 88/100 traduit l’impression positive des utilisateurs testés vis-à-vis
de l’application. Mais là aussi, des problèmes rencontrés de façon récurrente au cours des tests ont mis en lumière 5 points noirs
d’usabilité à corriger au plus vite, notamment une terminologie trop imprécise empêchant d’accéder à certaines fonctions depuis le menu
lors d’une première utilisation de l’application, un manque d’informations précises sur les étapes à venir dans la gestion des tickets de support,
ou encore un manque de lisibilité des dates de retour prévu pour les outils réservés mais en cours d’emprunt par un autre usager.
L’itération autour de ce projet a pris fin avec la réalisation d’un dernier prototype interactif intégrant les dernières
modifications résultant du test précédent.
Ce prototype, d’une meilleure qualité esthétique, pourrait constituer la dernière étape avant l’adoption
d’une première charte graphique et le développement d’un produit minimum viable. Il est l’aboutissement de la recherche menée et des améliorations
successives apportées au projet de départ en tenant compte des normes d’usabilité et des retours éclairants des utilisateurs. Il permet de :
Rechercher un outil dans l’inventaire, consulter sa disponibilité et le réserver
Consulter, télécharger et ajouter les manuels d’utilisation des outils directement depuis l’application
Gérer son compte personnel (pénalités dues, liste de favoris, historique des emprunts, liste d’outils réservés et empruntés,
dates de retour, outils en retard, extension de la durée des emprunts, gestion des mots de passe et adresses email)
Créer des alertes et notifications en cas d’outil disponible, à rendre, ou en retard, ou en cas de nouveau message reçu
Signaler des problèmes rencontrés avec certains outils (cassés, en panne, absents du stock…)
Consulter un calendrier des permanences des bénévoles et, le cas échéant, gérer ses heures de bénévolat
Gérer les tâches basiques d’administration pour les bénévoles (suppression temporaire d’outils du prêt, gestion de tickets support utilisateurs)
Échanger entre membres et bénévoles via un système de messagerie interne
Accéder à l’ensemble des informations utiles de la bricothèque (adresse, horaires, règlement intérieur, règles de sécurité)
Accéder à une aide à l’utilisation de l’application